Après Génération Sipa, 40 ans de photojournalisme, voici l’histoire de Sygma, la célèbre agence française née en 1973.
A nouveau à la manÅ“uvre: le photoreporter Michel Setboun. Il réunit, ici, 80 images fortes et donne la parole à leurs auteurs, aux piliers de Sygma (Hubert Henrotte, Eliane Laffont, Monique Kouznetzoff, Michèle McNally) et aux grands témoins de cet « âge d’or » du photojournalisme (Hervé Chabalier, grand reporter et patron de CAPA, Axel Ganz, créateur du groupe Prisma Presse, Bernard Kouchner, co-fondateur de Médecins sans frontières).
Ce livre veut aussi passer le relais aux nouvelles générations engagées sur le front de l’information. Sous la direction de la journaliste Marie Cousin, 26 jeunes professionnels du Centre de Formation des Journalistes (CFJ) ont participé à cette aventure.
Un bel hommage à l’esprit pionnier de Sygma !

Mon petit résumé :

Sygma ! Deux syllabes magiques qui ont fait rêver toute une génération de photographes. Un nom qui claque. Un logo en lettres épaisses comme des murailles et rouges comme le sang de la vie

Depuis 1966, Hubert Henrotte dirige l’agence Gamma. Et en 1973, suite à une scission entre les actionnaires, il décide, soutenu par une partie de l’équipe, de créer sa propre entreprise. Sygma verra donc le jour le 14 mai 1973.

Les débuts sont héroïques. Une seule règle : faire des miracles quotidiens !

La « règle d’or » sera bien entendu respecté : signatures des photographes et de l’agence, des relevés chaque mois, l’avance des frais et des films. Mais voilà , les dépenses ne suivent pas le même rythme que les rentrées d’argent. Et puis la concurrence est là . Gamma se réorganise et l’agence Sipa prend de l’envergure.
Heureusement, l’agence se spécialisera aussi dans le domaine « people », ce qui lui permettra d’équilibrer les comptes. Et un domaine « magazine » verra même le jour un peu plus tard.
La partie people est sous la responsabilité de Monique Kouznetzoff et très vite, elle ouvrira une agence à Los Angeles, capitale des stars. Les photos de Brigitte Bardot sur la banquise, se battant pour la cause des bébés phoque feront le tour du monde.

Le people rapporte des sommes considérables mais le news est la première carte d’identité de l’agence, la vitrine historique du photojournalisme.

1977. Brigitte Bardot pose pour son ami, Léonard de Raemy. Son attitude innocente irradie dans une photo qui laisse déjà paraitre son amour pour les animaux. ©Léonard de Raemy

Pour ce qui est du domaine des « news », Sygma mise gros sur les sujets de prestige. Comme le reportage sur le scandale des enfants au travail ou encore celui des milliardaires de la Chine rouge. Mais tout cela coà»te cher.

1979. En Colombie, le travail des enfants est pratique courante. Ces très jeunes enfants participent à la fabrication de briques. Situation d’autant plus attristante qu’elle n’est pas dissimulée. En 2013, plus de 200 millions d’enfants travaillent dans le monde, tous domaine confondus. ©Jean-Pierre Laffont

1979. Sur la grande muraille, un enfant sirote une canette de Coca-Cola, secrètement importée par le photographe en Chine communiste. ©James Andanson

Technologiquement, l’agence cherche toujours à être à la pointe mais financièrement cela est un vrai défi. L’agence sera la première à utiliser la transmission numérique par satellite lors de la première guerre du Golfe, alors que les photos sont toujours en argentique.

29 février 1984. Un soldat Iranien, victime des combats de 1984. La guerre entre l’Iran et l’Irak a éclatée en 1980, conséquence d’un différend frontalier. Elle prend fin huit ans plus tard, laissant des centaines de milliers de morts. ©Jacques Pavlovsky

Tous ces investissements vont entrainer l’agence vers la cessation de paiement. Divers partenaires se succèdent mais en 1996 Jean-Marc Smadja prend la tête de l’agence en détenant la majorité des parts. Mais celui-ci ne souhaite que des bénéfices, et se refuse à investir. L’agence ne pourra éviter la dérive. Et en 1998, Hubert Henrotte et son épouse Monique Kouznetzoff quitte la société.

Les vrais stars disparaissent, remplacées par les produits standardisés de la téléréalité. La banalisation du people lui fait perdre sa valeur. La quantité a remplacé la qualité.

En 1999, Bill Gates, le fondateur de Microsoft rachète l’agence par l’intermédiare de sa société Corbis. Ce sera le début de la fin.

Bill Gates rachète l’agence. Il la réduira à une simple banque d’images. Née dans l’enthousiasme des hommes, Sygma va mourir de l’obsession du profit.

L’agence sera mise en liquidation judiciaire en mai 2010, après un licenciement de 90 personnes en 2001.
Aujourd’hui se pose toujours la question des près de 40 millions d’images stockées dans les archives.

Et mon avis :

C’est un livre passionnant qui retrace donc l’histoire de Sygma et présente ici 80 photos de grands photographes qui ont marqués l’histoire du photojournalisme. Chaque photo est accompagnée du témoignage de son auteur (si possible), qui nous décrit les conditions de la prise de vue, avec certaines anecdotes. Très souvent ces photos ont été faites dans des conditions difficiles voir même très dangereuses. Des photos qui ont marqués l’histoire de l’agence mais qui ont aussi marqué la carrière du photographe.
On y trouve aussi des entretiens avec entres autres le fondateur de l’agence, Hubert Henrotte, et son épouse Monique Kouznetzoff, directrice du département people, mais aussi avec différents acteurs qui ont participé au succès de l’agence. Des témoignages vraiment passionnant.

Cet ouvrage a été réalisé par Michel Setboun avec l’aide de Marie Cousin et avec la participation d’étudiants et apprentis journalistes du Centre de Formation des Journalistes de Paris, qui ont été recueillir les propos des photographes. L’occasion de transmettre la passion pour ce métier.
Métier qui aujourd’hui à beaucoup changé, même si au regard des photos présentes dans ce livre, l’actualité elle n’a pas beaucoup changé !

Merci à Babélio et aux éditions de La Martinière pour l’envoi de ce livre.

Un ouvrage sur l’agence Sipa est déjà paru l’année dernière.
Un ouvrage sur l’agence Gamma va paraitre l’année prochaine.